Aude Siméon, auteur de « Prof chez les taulards »* aux éditions GLYPHE, témoigne pour Ilestvivant.com de l’urgence d’aller à la rencontre des prisonniers.
« Au lendemain des attentats récents, mes collègues de l’université discutent: – On se demande si on va continuer à faire cours à la Centrale… Notre prison abrite les longues peines, des terroristes.
Au contraire, plus que jamais, pour moi, il faut y aller. Y aller pour les écouter. Pour discuter. Pour proposer d’autres issues à leur colère et leur souffrance.
A, jeune boulanger, islamiste, a posé vers les années 80 une bombe dans un grand magasin parisien. Quand je l’ai appris, je lui ai dit :
– Vous vous rendez compte, on n’aurait pu ne jamais se connaître, ni se parler (A. m’apprécie). J’ai eu la chance de faire mes courses le matin et c’est l’après midi que votre bombe éclatait. Il s’en est fallu de peu.
A. me regarde, stupéfait. Il a mis tout d’un coup un visage humain sur ses victimes. Il a cru bien défendre une cause juste.
On discute souvent :
– Après tout, on aime le même Dieu, me dit-il.
– Le mien est un Dieu d’Amour. Il ne se venge pas. Il aime ses ennemis. Le Christ dit de tendre l’autre joue à celui qui nous frappe et de donner notre manteau à celui qui nous vole la chemise.
A. éclate de rire.
– On va bien voir ! il endosse ma veste en laine. Les autres sont sidérés. Il me teste. Je reste calme. Il la garde jusqu’à la fin du cours. Au moment de partir, il me la rend et m’avoue :
– Vous êtes forts, les chrétiens. D’ailleurs le dimanche, c’est gai votre messe à l’aumônerie, plus que nous.
J’ai prêté à A. Le Prix à payer, témoignage dramatique d’un musulman irakien converti au christianisme. A. a annoté toutes les pages. Pour lui, tout ce qui est écrit relève du mensonge et de la trahison.
Au jeune Irakien qui l’interroge, l’ayatollah répond : « Laisse donc de côté toutes ces questions de théologie, c’est trop compliqué et ça ne te servira à rien. » C’est le seul passage où A. a écrit VRAI, en majuscules.
La religion est souvent vécue comme un refuge au sein de la jungle qu’est la prison. Un détenu blanc s’étant récemment converti à l’Islam, je lui en demande la cause. Il me répond : « C’est forcément la meilleure religion puisque la plus récente ! » Je m’interroge sur la qualité de son interlocuteur musulman.
Éveiller l’esprit critique fait partie de notre tache d’enseignant. L’étude des Lettres Persanes de Montesquieu a permis de réfléchir sur ces regards croisés de l’Occident sur l’Orient et de l’Orient sur l’Occident. Même sourire condescendant des deux côtés. Et si on apprenait à s’estimer et se respecter ? La prison humilie et infantilise, créant ainsi le terreau idéal pour la haine sociale et l’adhésion à toute idéologie de la violence.
Si on écoute, on tente de comprendre le détenu, il nous écoutera à son tour. L’homme créé à l’image de Dieu possède une étincelle divine : à nous, à l’intérieur des murs, de la déceler et l’encourager. De semer l’Espérance. »
* 2e édition 2014 (1ère 2012).
par la Fraternité du Bon Larron.
Spontanément, nous avons réuni deux anciens détenus, deux intervenants auprès des détenus (l’une enseignante, l’autre correspondante), deux personnes accompagnantes, par la prière, et l’amitié. Et, avec une assistance d’une petite centaine de personnes, nous avons vécu un magnifique moment de communion et de partage, au cours duquel chacun a pu percevoir, dans son cœur, la présence du Seigneur !
Ce que nos amis anciens détenus nous ont le plus clairement fait découvrir, c’est le rôle d’un climat d’amour pour enfin découvrir la réalité de leur vie, et de la vie à laquelle le Seigneur invite chacun. Ce que la Fraternité s’efforce de faire, par la prière, par la correspondance, et, à la sortie, par l’accueil dans la petite maison d’Auffargis, nous demandons au Seigneur, par les voies qui sont les Siennes, d’en faire profiter TOUS les détenus. Nous LUl demandons que cessent dans les prisons, la haine, le chantage, la terreur, ainsi que les pressions de toutes sortes pour que les personnes les plus faibles et fragiles mentalement soient embrigadées à leur sortie vers des crimes plus graves encore que ceux qui les avaient fait entrer en détention. »
WEEK-END NATIONAL de la FRATERNITE DES PRISONS « LE BON LARRON », qui se réunira les samedi 21 mars et dimanche 22 mars 2015 à la Fondation d’Auteuil 40, rue La Fontaine 75016 – Parissur le thème :Trouver dans ma vie Ta Présence! Parmi les invités : Jean Caël, responsable du département Justice-prison du Secours Catholique, Gildas Labey, philosophe, ancien enseignant à la prison de Fresnes, et plusieurs aumôniers de prison : P. Roger Madelia, P. Pierre Pugnet, P. Jean-François Penhouët,…