Synode. Père Cédric Burgun: « Il n’y a que le Christ, comme à Cana, qui peut venir sauver le mariage. »

Cédric Burgun, du diocèse de Metz, est prêtre de la Communauté de l’Emmanuel. Enseignant à l’Institut catholique de Paris en droit canonique, le père Burgun est également juge ecclésiastique.
Avec Bénédicte Lucereau, conseillère conjugale, il a écrit Et si on se mariait ? (Éditions de l’Emmanuel, 2014).

IL est vivant! À l’heure où la plupart des jeunes vivent ensemble sans se marier et même sans projet de mariage, le message de l’Église sur la beauté de l’engagement à vie est-il encore audible ?

Cédric Burgun C’est une question essentielle. L’Église accueille les jeunes souhaitant se préparer au mariage. Mais les autres, ceux qui ne demandent rien, qu’est-ce qu’on en fait ?
Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’attendre que les jeunes viennent d’eux-mêmes demander à se préparer au mariage. Comment l’Église peut-elle les rejoindre et les accompagner pour qu’ils découvrent la beauté du mariage ? C’est un vrai défi. Et le prendre à bras-le-corps, c’est une manière de répondre à l’invitation du pape François d’aller aux périphéries. Ces jeunes-là sont une vraie périphérie de l’Église. Ils ne demandent rien objectivement à l’Église et pourtant, comme pasteur, je suis persuadé qu’ils ont au fond de leur cœur un désir d’engagement. Mais ils ne savent pas comment le prendre.
IEV Que leur proposer ?
CB De se poser les bonnes questions, de participer à un parcours qu’il leur permette d’asseoir leur amour pour que celui-ci perdure et s’épanouisse.
Le plus souvent, les jeunes, quelle que soit leur famille d’origine, n’ont pas reçu d’éducation sur les questions affectives et sexuelles. La seule éducation qu’ils reçoivent, c’est le cinéma et les séries télé qui la leur dispensent ! Ils ont donc souvent comme idéal un amour « à la James Bond » : le coup de foudre, la nuit de folie dès le premier soir, etc.
IEV Comment rejoindre ces jeunes ?
CB En acceptant d’aller à leur rencontre et de faire un bout de chemin avec eux, à la manière du Christ. Nous, nous avons envie qu’ils se marient parce que nous savons qu’il y a quelque chose de la vérité de l’amour dans le mariage. Mais il est inutile de leur dire d’emblée : « Vous devez vous marier ! » Ces jeunes n’en sont pas là. À l’exemple du Christ, quel trésor de pédagogie et d’accompagnement, il faut déployer pour progressivement les rééduquer au désir de l’engagement, pour réveiller ce désir qui se cache au fond du cœur de chacun ! Car je suis convaincu qu’on ne peut pas dire « Je t’aime » à quelqu’un sans avoir au fond du cœur le désir que cela dure d’une manière ou d’une autre.
IEV Les pères synodaux sont-ils conscients de ces enjeux réels  ?
CB Les réponses au grand questionnaire lancé par le Pape ont permis un début de prise de conscience. Mais celle-ci doit encore se fortifier.
L’enjeu, au cours de ce synode, n’est pas que la position de l’Église change, mais plutôt de savoir comment accompagner les personnes pour qu’elles vivent vraiment ce à quoi le Christ les appelle. On peut rappeler la règle en disant par exemple : « Le chrétien n’a pas le droit de divorcer. Le mariage est indissoluble, etc. » Mais la vraie question est: qu’existe-t-il pour aider les couples qui sont en crise ? Trop peu de choses, à mon sens ! Le défi n’est donc pas que l’Église change de position sur telle ou telle question. Il est surtout d’accompagner les souffrances et les crises inévitables que traversent les couples et les familles.
IEV On dit l’Église « experte en humanité ». Ne serait-elle pas pourtant un peu « à la traîne » sur ces questions touchant la vie familiale et conjugale ?
CB Je ne pense pas qu’elle soit « à la traîne » mais elle a à renouer avec sa capacité de dialoguer avec le monde. Il faut que l’on retrouve une simplicité du langage. Aujourd’hui, globalement, le discours de l’Église n’est plus compris. Il faut qu’on revienne à la simplicité du Christ. Il annonçait la radicalité de l’Évangile mais dans un langage simple ! En utilisant des images, des paraboles, il réussissait à se faire comprendre. Renouer le dialogue avec les jeunes, c’est aussi savoir leur témoigner simplement de la beauté de la vie conjugale et de la possibilité de cette vie. Je suis frappé de voir que beaucoup de jeunes, malgré le désir d’engagement, doutent de leur capacité à le vivre : ils voient tellement de divorces, de couples en crise et qui ne trouvent pas suffisamment d’aide que cela leur fait peur. Un des défis de l’Église, c’est de témoigner que oui, c’est possible de suivre le Christ dans la vie conjugale.
IEV Sur la question de l’accès à la communion des personnes divorcées remariées, le Pape serait selon certains ouvert à une orientation nouvelle de l’Église, qu’en pensez-vous ?
CB Je ne veux rien en penser. Certains aimeraient exercer sur le synode une pression via les médias. Ce n’est pas juste. Le pape François a suffisamment de sens de la collégialité pour ne pas décider par avance. Faire de telles suppositions, ce n’est pas respectueux des pères synodaux que le pape François lui-même a voulu convoquer. Il faut garder confiance et dans l’institution de l’Église et dans le pape François.
IEV C’est pourtant une question sur laquelle de très nombreuses personnes sont en souffrance…
CB Oui et en même temps, il y a aussi beaucoup de personnes divorcées remariées qui vivent dans l’obéissance à l’Église, de la manière la plus paisible possible. Ils vont à la messe en s’abstenant de communier. Il est bon de le rappeler. L’Église n’a pas à réagir uniquement à l’affect.
IEV Pour les personnes divorcées souhaitant contracter une nouvelle union, pourrait-on imaginer une bénédiction, s’inspirant de ce qui existe dans l’Église orthodoxe ?
CB Pour l’instant, il n’existe rien ni dans le rituel, ni dans le droit dans l’Église catholique. Bénir, c’est dire du bien de la situation de personnes : est-ce que l’Église peut faire cela au nom de Dieu dans une situation de remariage ? C’est cela qui pose question.
IEV Mais alors on peut se demander quelle forme concrète peut prendre la miséricorde de l’Église envers des personnes et des familles qui s’en sont éloignées par leur mode de vie ?
CB C’est clairement une des questions qui se posent aux pères synodaux. L’Église doit être miséricorde. Et en même temps, on ne peut pas opposer la vérité de la justice de Dieu à la miséricorde. Dieu ne peut pas se renier lui-même pour faire miséricorde. La miséricorde est dans le prolongement de la vérité de la justice. Quelle forme doit revêtir la miséricorde de Dieu par rapport à sa vérité ? C’est une vraie question !
IEV Comme juge ecclésiastique, qu’en pensez-vous ?
CB De nombreux évêques et cardinaux ont soulevé la question de la procédure de la reconnaissance de nullité des mariages : comment rendre plus accessible cette procédure aux couples. C’est une voie possible. À l’Église de savoir expliquer les choses concernant la reconnaissance de nullité afin qu’elle soit comprise correctement.
IEV La béatification de Paul VI, auteur de l’encyclique Humanae Vitae, à la fin de ce premier synode sur la famille est-il un signe pour vous ?
CB J’y vois un beau signe de la part du pape François qui veut s’inscrire dans le sillage de Paul VI en termes d’accompagnement des familles. Il manifeste son désir de leur tenir un discours de vérité, extrêmement courageux dans ce domaine.
IEV Qu’attendez-vous de ce synode ?
CB Que l’Église nous redise la beauté de la vie conjugale. Qu’elle soit dans la position de Jésus. Le premier acte de sa vie publique, cela a été de venir aux noces de Cana pour sauver ce mariage. C’était prophétique. J’attends le même prophétisme de l’Église, qui passe par la miséricorde, l’accompagnement des couples et un discours de vérité. Aujourd’hui encore, il faut sauver la beauté et la vérité du mariage et l’annoncer !
IEV Et comment le vivre en tant que fidèles ?
CB Au vu des défis et des difficultés de ce monde, il n’y a que le Christ, comme à Cana, qui peut venir sauver le mariage. Plus on permettra aux personnes de se rapprocher du Christ, plus on leur permettra de vivre leur engagement matrimonial de manière forte et belle.
Propos recueillis par Laurence de Louvencourt

≥ Suivez la chronique du père Burgun pendant le synode sur ilestvivant.com

Vous pouvez aussi le retrouver sur : lejourduseigneur.com/Web-TV/Evenements/Synode-des-eveques-sur-la-famille-a-Rome

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