L’archevêque de Marseille et président de la conférence des évêques de France revient sur différents événements : un nouveau Pape, une Église de France très engagée sur les débats sociétaux, le synode sur la famille qui se tiendra à Rome en octobre prochain.
Propos recueillis par Claire Villemain
Ilestvivant ! Comment va l’Eglise de France ?
Mgr Georges Pontier Vous savez, c’est comme avec les trains : tout ce qui va bien on ne le sait pas, et tout ce qui va mal on le connaît bien. Je connais bien les faiblesses de l’Église mais je ne connais pas toutes ses richesses. Pourtant elles sont énormes et infiniment supérieures à ses faiblesses ! Il y a de merveilleuses personnes et initiatives, mais cela ne fait pas de bruit. Quand je vois ainsi l’Esprit à l’œuvre, cela me réjouit et me donne une grande espérance.
IEV L’Église de France s’est fortement engagée depuis un an et demi sur les questions sociétales qui se posaient à notre pays. Comment éviter le repli identitaire d’un côté, et celui du silence de l’autre ?
Mgr Georges Pontier L’important travail que nous avons à faire dans les mois et les années qui viennent, c’est de réapprendre à vivre en chrétien, c’est-à-dire à la lumière de notre foi. C’est d’habiter la situation qui est la nôtre, dans une société pluraliste et sécularisée, sans rêver à une forme de chrétienté que nous n’avons pas connue, et qui n’a peut-être jamais existé. Notre pape François nous y invite d’ailleurs fortement en nous demandant de ne pas nous replier sur nous-mêmes, mais à apprendre à exister dans un monde pluriel. Une manière de le faire chrétiennement, c’est de sortir, d’aller vers les autres, de témoigner que le Christ nous fait vivre. Notre rôle n’est pas de l’imposer mais d’en témoigner comme d’une rencontre qui nous donne la vie, le bonheur, et qui humanise.
IEV Est-ce la façon de rester audible à un monde auquel nous sommes souvent amenés à dire « non » ?
GP Il ne s’agit pas de dire ce qu’il y a mauvais dans le monde. Il faut donner du goût à connaître le Christ, à l’accueillir dans sa vie. C’est par rayonnement que le Christ s’annonce, et non par des attitudes qui condamnent et qui sont trop dures.
IEV Que vous inspire le changement législatif sur l’avortement en Espagne ?
GP Je ne suis pas Espagnol, je ne connais pas l’histoire ni les relations entre l’Église et l’État espagnol. Mais je sais qu’en France nous ne sommes pas dans la même situation. Notre histoire nous a appris à vivre dans la société qui est la nôtre. Je pense qu’un changement de loi n’indique pas nécessairement la conversion des gens, et qu’il ne faut pas avoir comme seul objectif le changement des lois. Ce que je souhaite c’est qu’aucun chrétien, aucune chrétienne ne saisisse l’avortement comme quelque chose de pensable pour lui, et qu’autour d’eux il y ait des personnes qui leur témoignent que l’on peut traverser certaines épreuves en étant entouré.
IEV Comment l’Église de France se prépare-t-elle au synode sur la famille qui se tiendra en octobre prochain à Rome ?
Chaque diocèse diffuse le questionnaire remis par le Saint-Siège. J’avoue être agréablement surpris par le nombre de réponses car le délai était réduit. Cela montre qu’il y a une grande sensibilité sur cette question de la famille et de son rôle dans la société.
IEV Comment parle-t-on aux nouvelles formes de réalités familiales ?
GP Pour nous chrétiens, l’enjeu est double. Nous avons d’abord à donner à voir la beauté du mariage, et les appels que Dieu nous fait dans cette réalité humaine qui est la vie de couple et la vie de famille. Ensuite, c’est de témoigner d’une attitude de miséricorde, d’accompagnement et de patience avec ceux qui empruntent des chemins qui ne nous paraissent pas ajustés.
IEV Comment l’Église de France se laisse-t-elle interpeller par le pape François ? Et vous, personnellement, que relevez-vous chez lui de marquant ?
GP C’est l’invitation quasi permanente qu’il nous lance à la conversion. Il nous demande à tous de vivre l’Évangile authentiquement, de ne pas faire de concessions dans nos vies. Il nous exhorte à ne pas avoir seulement des paroles chrétiennes, mais des comportements qui soient travaillés par l’Évangile. Pour lui, le comportement de vie est la belle porte d’entrée pour évangéliser. Cela me paraît très riche. Par ailleurs, il développe une idée de la vie chrétienne qui n’est pas seulement individuelle mais qui rejaillit sur la vie sociale, et en particulier sur notre attention aux plus pauvres et aux questions de justice.
IEV Ce qui peut justement permettre une belle continuité à l’événement Diaconia 2013 ?
GP Chaque Église diocésaine doit en effet vivre cette diaconie de l’Église non pas seulement comme un service rendu aux pauvres mais comme un partage de la vie et de la foi avec eux. L’enjeu pour nous n’est pas de faire seulement du caritatif, mais de croire que Dieu parle par les pauvres et qu’il y a même quelque chose de Dieu qui ne peut se dire que par eux. L’expérience de la pauvreté fait découvrir quelque chose de Dieu, et nous devons le recevoir.
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