Beaucoup se demandent pourquoi l’Église latine continue d’exiger de ses prêtres le célibat. Ne vaudrait-il mieux pas mieux avoir des prêtres mariés, à l’exemple des autres traditions chrétiennes? Le sens et les défis du célibat sacerdotal expliqués par le père Olivier Bonnewijn, responsable de séminaire en Belgique.
Propos recueillis par Claire Villemain
Pour vous, quel est le sens du célibat sacerdotal ?
Olivier Bonnewijn : Le Christ ! Il était célibataire. Il a vécu en communion continuelle avec son Père, tout donné à sa mission. Il a « appelé » et « institué » douze hommes pour « être avec lui » et pour « les envoyer » (Mc 3,13-14). La tradition du célibat sacerdotal s’enracine dans cet évènement historique, toujours actuel. Il s’agit d’un célibat de communion profonde avec le Christ prêtre et époux de l’Eglise, d’un célibat de partage intime de sa vie et de sa mission, bref d’un célibat d’amour et de service.
Pourquoi l’Église catholique latine tient-elle tant à maintenir ce célibat sacerdotal ?
Le célibat sacerdotal nous dépasse tous, à commencer par le prêtre lui-même. Il est un don de Dieu. Nous ne le mesurons pas : c’est lui qui nous mesure. Il ne faut pas s’étonner que le monde ait du mal à comprendre – et à accepter – que certains hommes renoncent volontairement à l’amour conjugal, à l’exercice de la sexualité et à la procréation responsable. Loin de nier ces biens très précieux, le célibat sacerdotal les confirme, les sert et les aide à se situer sur la route de l’éternité, sans en faire des idoles.
Quelles sont les difficultés que le prêtre rencontre ?
Il y a d’abord les difficultés que rencontre tout homme au cours de sa vie, avec ses périodes d’épreuves, de tensions, de tentations, de crises. Au nom que quoi le prêtre en serait-il préservé ? Sans doute, ces moments peuvent-ils être déstructurant, voire destructeurs. Mais ils donnent aussi l’occasion d’une formidable croissance humaine et spirituelle. Il y a ensuite des difficultés spécifiques au célibat sacerdotal, relativement différentes de celles vécues par les gens mariés. Don de Dieu, un tel célibat est aussi une tâche à mener intelligemment au fil des jours et des évènements, un itinéraire de maturation, un don patient de soi. Il ne peut se vivre qu’à travers des combats et des débats qui ne sont pas nécessairement liés à des fautes ou à des troubles. Il est une œuvre de longue haleine qui assume et réélabore à plusieurs reprises l’inclination naturelle vers l’autre sexe, la soif d’être aimé et d’aimer, le juste amour de soi et le désir de fécondité.
Le prêtre a-t-il une vie affective ?
Le Christ a-t-il une vie affective ? Oui bien-sûr. Et elle est d’une délicatesse, d’une amplitude, d’une intensité et d’une pureté sans pareille. La qualité de ses multiples rencontres dans l’Evangile en témoigne. En général, un prêtre a une vie affective très riche et même « agitée ». Dans une seule journée, il partage par exemple l’enthousiasme de fiancés, les pleurs d’une famille en deuil, le bouillonnement d’un groupe de jeunes, l’angoisse d’une personne malade, etc. L’électrocardiogramme de sa vie affective est loin d’être plat ! D’où l’importance absolue de la prière – et spécialement des psaumes -, où son affectivité débordante est accueillie, recueillie, pacifiée, purifiée, unifiée, affinée, régénérée, sauvée, déployée par celle du Christ, dans la puissance de l’Esprit Saint. D’où également l’importance du repos, du sport et de la lecture, du temps gratuit avec des amis et sa famille, de la vie en communauté.
Dieu peut-il combler parfaitement quelqu’un, cœur et corps ?
Oui et non. Ici sur terre, quel que soit son état de vie, un homme ne sera jamais totalement comblé : Ni par un autre être humain, ni par une activité, ni même par Dieu. « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube. Mon âme a soif de toi. Après toi languit ma chair, terre aride altérée sans eau.» (Ps 62,2) Ici-bas, nous vivons sous le signe du désir, de la recherche et du manque. Dans la pauvreté consentie de son célibat, le prêtre contribue à « habiter » personnellement cette grande attente et à la sanctifier. Par ailleurs, nous vivons aussi sous le signe de la richesse et de l’abondance, dans la présence concrète de Jésus ressuscité et de son Eglise, spécialement des plus pauvres. De cela aussi, le célibat sacerdotal est très largement et joyeusement porteur. « La part qui me revient fait mes délices. J’ai même le plus bel héritage. » (Ps 15,6)
Interview réalisée pour le n°277 d’Ilestvivant, décembre 2010.