Par Laurent Landete modérateur de la Communauté de l’Emmanuel
L’encyclique Laudato Si’ nous ouvre à une culture de l’émerveillement. La foi chrétienne porte ce message fabuleux: au cœur de cette nature si riche, si belle, se cache un mystère ineffable. Les dernières découvertes scientifiques, notamment dans le domaine du biomimétisme – s’inspirant du vivant pour mettre au point des technologies de pointe – invitent nos sociétés à découvrir que, derrière la plus insignifiante goutte d’eau de mer, la simple toile d’une minuscule araignée, ou l’apparente banalité de la peau d’un poisson, se trouve une intelligence sans limite, dont l’homme peut bénéficier pour réaliser ses propres prouesses. Ce miracle permanent est une provocation inédite face à l’athéisme ambiant. L’émergence de cet enthousiasme est une opportunité inattendue pour conduire nos contemporains du concept de nature vers celui de création. Il est ainsi possible de passer de cet émerveillement face à la nature – au sein de laquelle l’être humain ne serait qu’un élément parmi d’autres – à la louange de Celui qui interpelle les intelligences, devant la grandeur de ce qu’il a créé. Avant d’être enseignés sur le mystère de la rédemption – impliquant tant de questions morales, pourtant cruciales, mais pouvant paraître opaques à ce monde – il est nécessaire de faire connaître le « début de l’histoire » : la nature est créée, « Et Dieu vit que cela était bon » (Gn 1, 31) !
La gravité du péché et l’espérance du salut peuvent être évoquées de manière cohérente à celui qui a d’abord découvert le Créateur, invisible, après l’avoir cherché dans l’univers, visible. L’engouement récent pour une agriculture plus respectueuse de l’environnement ne serait-elle pas un signe supplémentaire de cette attente qui a besoin d’être accompagnée par la foi, au risque de se perdre dans une sorte de déification de cette même nature, avec son cortège de dérives ? Ne serait-ce pas alors pour nous, une part décisive du renouveau de l’évangélisation ? Un renouveau qui se reconnaît réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire (cf. Gaudium et Spes 1).
Paradoxalement, cette encyclique sociale dresse aussi un constat alarmant : l’humanité vit au-dessus de ses moyens. En premier lieu, une surconsommation des énergies fossiles. Il faudrait l’équivalent d’une terre et demie pour répondre aux besoins énergétiques actuels. Nos sociétés sont également victimes d’une consommation pathologique des denrées alimentaires : pour une calorie dans nos assiettes, il nous faut 10 calories d’énergies fossiles pour l’y transporter sur des milliers de kilomètres. L’absorption d’eau polluée cause la mort de millions de personnes – de pauvres surtout. L’industrie mondiale de l’habillement contribue à ce cercle vicieux en utilisant des personnes en situation d’esclavage, pour nous permettre d’être vêtus à bon marché. Cette situation dramatique portée par une culture du déchet est pourtant liée au salut de l’humanité. Pour mieux comprendre cela, attardons-nous un instant sur l’évangile de Matthieu 25. Dans un discours puissant, le Christ associe le jugement dernier à la faim, la soif et l’habillement : « J’avais faim et vous m’avez donné à manger, j’avais soif et vous m’avez donné à boire, j’étais nu et vous m’avez vêtu. » Ses paroles font écho à cette terrible question posée à Caïn dans le livre de la Genèse (4, 10) : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » Cette interpellation montre la voie de notre salut, en nous gardant du péché de l’indifférence et en prenant soin des hommes (cf. Laudato Si’) Ainsi, de manière décisive, nous sommes appelés à sortir des pièges mortels d’une société de consommation, afin d’ouvrir grand les portes à une société de consolation.
Réflexion extraite du numéro 335 d’Il est vivant! (avril-mai-juin 2017): Laudato Si’ Vers une conversion intégrale. Ce numéro comporte de très nombreux témoignages, reportages, interviews, etc.
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