Le cardinal Danneels, archevêque émérite de Malines-Bruxelles, est intervenu devant ses paires et le pape François, pour prêcher la miséricorde envers les personnes divorcées remariées. « Elles crient: elless ne demandent souvent pas qu’on change la discipline. Mais elles réclament des pasteurs, qui ont un cœur de berger et qui prennent sur les épaules le pauvre petit agneau, qui s’est cassé la patte. », a-t-il affirmé. Voici le texte de son intervention.
« Dieu est juste et miséricordieux. Il ne peut se contredire. Il est capable de faire le grand écart entre juste et bon. Nous, nous avons difficile, car nous ne sommes que de pauvres danseurs dans le ballet de l’histoire. Nous pauvres ministres, nous avons à trouver le moyen d’inventer des chemins de miséricorde sans nuire à la vérité et à chercher le chemin à chaque époque et pour chaque culture. A nous de trouver les chemins de miséricorde.
Je voudrais me limiter à un seul chemin de la miséricorde pour notre époque. Je pense à ceux et à celles, dont le premier mariage a échoué et qui se sont engagés dans un second mariage non valide pour l’Eglise et non sacramentel. Ils sont nombreux à notre époque. Que faisons-nous pour eux, qui souvent voudraient régulariser leur état de vie et qui savent qu’il n’y a pas de possibilité.
Beaucoup s’en désintéressent; mais il y en a qui souffrent dans leur cœur. Que faire pour ces frères et sœurs, qui voudraient revenir à un mariage dans l’Eglise?
Il y a des jours où je pense qu’il faudrait instituer dans l’Eglise quelque chose de semblable au catéchuménat et à l’ordo penitentium dont l’Eglise d’alors s’occupait comme une mère. Peut-être rien de vraiment institutionnel, mais un souci pastoral organisé pour des divorcés remariés.
Comment préparer des prêtres et des laïcs pour cette pastorale spéciale comme jadis pour les catéchumènes et pour ceux qui étaient dans un chemin pour obtenir l’absolution de leur péché ?
La première attitude est celle d’un immense respect pour ces frères et sœurs divorcés et remariés. Le début de toute miséricorde, c’est un respect inconditionnel pour tous ceux et celles qui vivent dans l’Église,mais ne peuvent se remarier et recevoir la communion.
Les mariages de fait méritent un même respect. Car certains portent dans leur union comme dans un hiver – des semences qui dorment. Très souvent les divorces remariés suivent un chemin,- conscients ou inconscients – pour sortir de cette situation. Mais cela n’est pas possible. Dans beaucoup de ces situations les époux se trouvent dans une démarche graduelle vers un idéal qu’ils désirent. Le respect est la pastorale que la mère Église doit pratiquer. C’est une pastorale de la gradualité.
D’abord les chercher. Car beaucoup se cachent et n’osent pas le dire, même pas au conjoint. Ils souffrent en cachette. A nous prêtres de nous mettre à découvrir ces brebis qui voudraient, mais n’osent pas le dire.
Ensuite les inviter à se rencontrer, former des groupes où ils peuvent s’écouter les uns les autres ; Mais le pasteur doit être là. Sans focaliser uniquement sur cette douloureuse question de la communion refusée. Le prêtre doit écouter par son cœur. Il n’est point besoin dès le début d’enseigner, mais d’écouter. Car toute écoute est thérapeutique.
Il est nécessaire de leur parler, ou leur faire parler de la beauté du mariage et de la famille chrétienne. Le beau est tout puissant.
Il ne s’agit pas d’une beauté esthétique, mais la beauté, sœur de la vérité et de la bonté. La beauté est selon Aristote :’la splendeur de la vérité’. « Pulchrum est splendor veri’.
Pour nos contemporains, la vérité rend souvent sceptique, la bonté peut décourager, mais la beauté désarme. Le beau est le seul à désarmer nos pathologies.« Donne-moi une image », disait l’Archimède de notre époque,« et je soulèverai le globe ».
Les divorcés remariés ne sont pas les seuls enfants en problème. Mais par les temps qui courent, il y en a plus que nous pensons. C’est un simple appel que je fais, pour aimer les enfants de Dieu, dont la souffrance est souvent grande. Ils crient: ils ne demandent souvent pas qu’on change la discipline. Mais ils réclament des pasteurs, qui ont un cœur de berger et qui prennent sur les épaules le pauvre petit agneau, qui s’est cassé la patte.
La vérité peut susciter le scepticisme. La bonté peut décourager, mais la beauté désarme. Et nous avons des atouts. En effet, rien de plus beau que le mariage chrétien et la vie familiale chrétienne. Il faut dire la vérité aux divorcés remariés mais en se souvenant de saint François d’Assise qui disait à ses gardiens des petites communautés : « Ne permettez pas que quelqu’un vous quitte triste. » » Godfried Cardinal Danneels (Rome, le 8 octobre 2014)
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