Mariée, mère de quatre enfants, Blandine Piotre a d’abord travaillé en tant qu’infirmière au service de l’aide sociale à l’enfance à Paris. Puis, face aux situations de détresse rencontrées, elle a décidé de devenir thérapeute conjugale et familiale. Elle anime des formations à l’écoute.
Comment définir l’écoute ?
L’écoute est d’abord une attitude du cœur qui suppose de choisir de se rendre disponible, de se décentrer de soi pour se centrer sur l’autre. J’aime cette image : écouter, c’est « apprendre à monter sur la montagne de l’autre », c’est-à-dire apprendre à accompagner l’autre sur son chemin en acceptant, un temps, de ne pas « défendre » à tout prix notre propre chemin (notre point de vue). Ce qui ne signifie pas perdre de vue ce chemin : écouter, ce n’est pas tout cautionner. C’est marcher au côté de celui qui nous parle, le laisser décrire sa route, ce qu’elle représente pour lui, son vécu.
L’écoute invite à l’humilité, à la délicatesse. Et une telle attitude opère en nous un changement de regard sur la personne écoutée. On peut dès lors être en désaccord avec elle tout en gardant un regard d’émerveillement sur ce qu’elle est profondément, sur ses questions qui disent quelque chose de ses désirs profonds.
Souvent nous avons peur d’aller jusque-là. Car ce que l’autre vit peut provoquer en nous des réactions liées à notre histoire, notre vécu, notre éducation, en quelque sorte, notre propre montagne pour filer la métaphore jusqu’au bout.
Le risque, alors, est de vouloir défendre notre montagne, et de nous arrêter par exemple au jugement ou à la peur que nous pouvons ressentir en écoutant l’autre.
DISCERNER
Naturellement, plutôt que d’écouter, nous cherchons à nous exprimer. En définitive, nous voulons pouvoir exister, dire qui nous sommes. Accueillons cette réalité humblement. Car avoir conscience de ces limites nous pousse à nous mettre
en marche vers une écoute authentique de l’autre.
Par exemple, face à la situation « hors norme » d’une personne qui se confie à nous, nous pouvons être tentés de vouloir très vite lui « annoncer » ce qui est bon pour elle, etc. C’est un très beau désir qu’il ne faut surtout pas piétiner.
Mais au cœur de cette écoute, apprenons en même temps à discerner si cette personne est prête à accueillir cette parole. C’est bien à partir de cette personne que se fait le discernement.
APPRENDRE À ÉCOUTER, APPRENDRE À PARLER
Apprendre à écouter, c’est aussi apprendre à parler ! Nos questions ouvertes, nos reformulations vont aider la personne écoutée à distinguer les faits, de son vécu, de son besoin et de sa demande, comme nous le propose la communication
non violente*. Comme l’écoutant, l’écouté est invité à cette garde du cœur. Apprendre à parler, c’est apprendre « à prendre en charge » ce que nous formulons. Parler, écouter, voilà qui est indispensable pour gérer les conflits. Il y a ici un véritable enjeu de charité et de joie entre nous ! Par exemple, une épouse pourra dire à son mari : « Ce matin, le verre est tombé de la table et s’est cassé. Je me suis sentie seule et cela m’a mise en colère car je voyais le temps qui passait, Pierreallait être en retard à l’école. Mon besoin aurait été que tu m’aides à ramasser les morceaux de verre. »
En apprenant à parler ainsi, je facilite le dialogue constructif. Sinon, je risque de donner une opinion teintée de mon émotion, poussant l’autre à défendre sa propre opinion. Le dialogue n’est pas possible, l’amour ne circule pas et nous
en sommes profondément attristés.
* Cette approche a ses limites. Pour son fondateur, Marshall B. Rosenberg, ce type de communication suffit à traiter toute
violence, la communication peut en quelque sorte sauver le monde. Nous savons, nous, que ce n’est pas une fin en soi, mais un canal. De même, énoncer un besoin ne veut pas dire que tous les moyens sont bons pour y accéder, ou que je puisse toujours le négocier.
Lire l’intégralité de cet article dans le numéro. Se le procurer sur librairie-emmanuel.fr/revues