Rencontre avec Laurent Landete, directeur général du Collège des Bernardins.
Ancien modérateur de la Communauté de l’Emmanuel, il est depuis 2018 membre du dicastère pour les laïcs, la famille et la vie.
À l’automne 2019, lors de l’assemblée plénière des évêques à Lourdes, vous avez, avec une équipe, mis sur pied une session de travail sur l’écologie en faisant appel à des intervenants du monde profane. Comment cette initiative a-t-elle vu le jour ?
Début 2019, à l’initiative de Maxime de Rostolan, fondateur de l’association La Bascule, j’ai été invité à participer à un rassemblement avec des figures de proue de la transition écologique en France. Nous étions une soixantaine dont deux chrétiens engagés, Raphaël Cornu-Thenard et moi-même. Nous avons perçu une grande ouverture de la part de ce mouvement qui porte parfois une vision de l’homme pas toujours ajustée à la nôtre. J’ai été stupéfait de voir que tous connaissaient Laudato Si’ et que beaucoup avaient une réelle estime pour le pape François. Nous leur avons même proposé de le rencontrer, ce qui a été possible.
[…] À l’issue de ce week-end, Raphaël Cornu-Thenard rencontra Mgr de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques, et lui témoigna de ce que nous avons vécu. Très intéressé, il nous invita à intervenir devant le conseil permanent des évêques de France qui a décidé ensuite qu’une session de l’assemblée plénière porterait sur ce thème, avec des personnes issues de cette mouvance écologique. Ce fut une immense joie pour nous de constater cette grande attention de l’Église. De plus, nouveauté, chaque évêque fut invité à venir accompagné de deux laïcs de son diocèse.
C’est ainsi qu’au cours de l’assemblée plénière de l’automne 2019, l’un des fondateurs de la collapsologie est intervenu, de même que Maxime de Rostolan, et d’autres encore. Ce fut un moment extraordinaire d’espérance. Les évêques ont écouté, ils se sont laissés bousculer par des personnes qui elles-mêmes n’auraient jamais imaginé rencontrer un évêque de leur vie. Et j’ai vu le cœur ému de ces militants devant l’accueil simple et bienveillant qui leur a été réservé. À travers ces rencontres qui vont se poursuivre pendant trois ans, l’Église de France est en train de prendre la mesure des immenses enjeux pastoraux qui l’attendent dans ce domaine.
[…] Le dialogue avec le monde l’écologie interroge-t-il notre propre discours sur la foi ?
[…] Aujourd’hui, un nouvel enjeu se présente. Ce que les scientifiques appellent le “système terre” est menacé. Cette menace pèse sur l’environnement dans lequel l’homme vit, des premières couches de la terre jusqu’à la stratosphère. Cet enjeu n’efface pas les précédents, mais le danger est bien là. Et selon sa vocation prophétique, l’Église ne peut se taire. Dans ce contexte, on peut dire que « l’homme dans son environnement » est la route de l’Église. Il est urgent d’élaborer une réponse chrétienne dans ce domaine, et donc une théologie de l’écologie ! Au Collège des Bernardins, nous avons initié ce travail qui revêt une urgence absolue ; il mobilise des scientifiques, des théologiens, des philosophes. Il va se poursuivre par le lancement prochain d’une chaire de recherche Laudato Si’ pour donner corps à une pensée pouvant rejoindre les intelligences et les cœurs.
[…] Dans Gaudium et Spes (1), le Concile exhorte pourtant « la communauté des chrétiens à se reconnaître réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire ».
Ainsi, les enjeux liés à la crise écologique majeure que nous vivons sont à la fois spirituels, théologiques, sociaux et donc éminemment pastoraux.
[…] Quel est l’apport spécifique de l’Église ?
Elle est certainement appelée à souligner le lien entre le cri des pauvres et le cri de la terre. « J’avais faim, j’avais soif, j’étais nu, malade, en prison, étranger… », dit Jésus (Matthieu 25). Or, chacun de ces points peut être relu à la lumière du cri des pauvres et du cri de la terre.
Si on ne considère que la faim : 800 millions d’êtres humains n’ont pas accès à la nourriture. C’est le cri des pauvres ! Cette faim conduit l’homme à cultiver toujours plus, et toujours plus mal. Cela provoque l’appauvrissement des sols qui finissent par mourir, c’est le cri de la terre !
Et le trait d’union entre ces deux cris est notre propre rapport à la consommation. Comment sommes-nous alors prophètes – au nom de notre baptême – dans nos manières de consommer ? Tout est lié ! Comme le disait saint Jean Paul II en inaugurant son pontificat : « N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! À sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. » Oserons-nous y ajouter maintenant l’écologie ?