Alors que les sessions d’été de Paray-le-Monial battent leur plein, touchant des milliers de familles et d’enfants, Cécile Vincendet, responsable d’Emmanuel Kids, et le père Alain de Boudemange, prêtre référent, nous expliquent avec passion en quoi consiste leur belle mission auprès des plus petits.
Il est vivant ! Quels sont les objectifs d’Emmanuel Kids ?
Cécile Vincendet Donner des outils pour construire humainement et spirituellement les enfants de 4 à 11 ans. Remettre la famille au premier plan ; être des relais joyeux et aimant ; être là pour prendre soin des parents et les aider dans leur rôle de transmetteurs de la foi. Ce sont eux les premiers éducateurs de leurs enfants.
Alain de Boudemange Actuellement, la tendance est à déléguer la transmission à l’école ou à d’autres instances. De plus en plus de parents ont par ailleurs du mal à transmettre du fait des pressions professionnelles, du manque de repères, etc. La transmission est difficile dans les familles aujourd’hui. Mais en aucun cas Emmanuel Kids n’est là pour se substituer à elles. Nous souhaitons simplement proposer des éléments qui leur permettent d’être ou de devenir effectivement ces lieux de transmission.
IEV Et concrètement ?
ADB – Au cours de l’année, il est possible, par exemple, au sein même du parcours de catéchisme de l’enfant, d’inviter les familles pour des temps spécifiques. Cela porte beaucoup de fruits.
– Lors des sessions de Paray-le-Monial : de vrais temps forts sont proposés aux familles. Un après-midi par session, tous les membres d’une même famille vivent un parcours et font des démarches ensemble.
L’année dernière une matinée pour les familles a été expérimentée. Elle comportait un
enseignement donné par une famille, enfants et parents ensemble, ainsi qu’un prêtre. À travers de tels outils, qui peuvent sembler modestes, nous constatons que Dieu agit puissamment.
CV L’enseignement donné dans le cadre de cette matinée portait sur le pardon. Des demandes concrètes de pardon ont pu être faites à la suite de ce topo. Ainsi, cela a été un vrai déclic pour une famille dont les enfants ont été adoptés à la suite du décès de leurs parents et qui est arrivée à Paray-le-Monial en pleine crise ; et cette démarche les porte encore aujourd’hui.
De nombreuses familles qui
viennent à la source, l’été, prennent des forces pour se reconstruire peu à peu. Chacun repart avec ce dont il a besoin : les enfants ou les parents se rapprochent de Dieu, des autres. Combien d’adultes par ailleurs viennent et reviennent aux sessions “à cause de” ou plutôt grâce à leurs enfants ou leurs adolescents ! À Paray-le-Monial, les enfants et les adolescents sont pris au sérieux et ils le sentent « Prenez soin des enfants ; prenez-les au sérieux au même titre que les adultes », conseille le Pape François.
IEV Vous semblez dire que les enfants ont eux-mêmes un rôle à jouer dans la transmission de la foi : de quelle manière ?
ADB Dans la paroisse où je suis vicaire, est arrivé au catéchisme cette année un garçon issu d’une famille peu pratiquante. Sa maman m’a témoigné récemment qu’à travers son fils et ce qu’il reçoit au catéchisme, c’est toute la famille qui est entraînée dans la prière personnelle et la messe. Et sur les 300 enfants qui participent au catéchisme dans la paroisse, je pourrais donner une centaine d’exemples comme celui-là !
CV Lors de la dernière veillée pascale, l’une de nos amies a reçu le baptême. Elle a choisi son fils de 17 ans comme parrain ! Elle nous a raconté que quand il avait 4 ans, il lui avait demandé d’aller à la messe. À travers la soif de son fils, petit à petit, cette maman a eu elle aussi le désir de connaître Jésus et la miséricorde de Dieu, jusqu’à demander le baptême.
ADB Au séminaire, on nous disait : « Occupez-vous des enfants et les parents viendront. » C’est exact mais attention à ne pas le vivre sur un mode utilitaire. Il ne s’agit pas en effet d’avoir une stratégie missionnaire et de s’occuper des enfants pour rejoindre les parents. Non, il s’agit d’aimer les enfants, de les considérer vraiment, de vouloir leur transmettre le meilleur.
Plusieurs documents de catéchèse rappellent que les parents sont les premiers catéchistes de leurs enfants. On pourrait inverser la formule. À bien des égards, ce sont les enfants qui sont en effet les catéchistes de leurs parents.
La foi chrétienne se vit d’abord en famille. Il faut vraiment honorer cette réalité. Il s’agit pour nous d’accompagner les familles à vivre leur foi.
IEV Qu’est-ce qui est essentiel aujourd’hui dans la transmission ?
ADB Du fait d’Internet, les nouvelles générations ont un rapport à la connaissance et à l’éducation très différent de nous. Nous qui avons grandi dans la génération du livre, nous avons une pensée linéaire : nous partons d’un point de départ et nous allons jusqu’à un point d’arrivée. Des enfants grandissant avec Internet fonctionnent avec des liens. Ils lisent, cliquent, repartent en arrière, approfondissent, etc. Cela a pour conséquence un rapport au temps qui est autre. Il nous faut proposer des activités plus courtes. Même pour les temps de prière. On peut en avoir 5 dans la journée mais plus courts. De même, en préparant nos enseignements, nous prévoyons des séquences courtes avec des supports variés.
Il ne suffit donc pas de faire des vidéos parce que cela plaît mais plutôt de repenser tous nos modes de transmission. Un constat, au passage : les nouvelles générations rentrent assez facilement dans la Bible parce que, finalement, elle fonctionne comme par “liens hypertexte”. Par exemple, saint Matthieu renvoie à tel prophète, etc.
IEV Un mot pour conclure ?
ADB La mission d’éducation est une belle mission. C’est fatigant, c’est parfois ingrat mais c’est très beau. Elle n’est pas suffisamment valorisée. Dans nos communautés, les familles et l’Église, n’hésitons pas à encourager les jeunes à s’investir dans ces missions d’éducation. Toutes ces congrégations enseignantes qui se sont énormément investies au XIXe siècle, et qui, pour beaucoup, sont en train de disparaître. Qui prend le relais ?
CV Ce n’est pas la mode d’être professeurs ou dans les métiers d’éducation alors qu’il y a là un vrai rôle à jouer. Si chacun essaie d’apporter sa pierre, comme ces congrégations au XIXe siècle, les fruits portés sont profonds et durables.
Le pape François nous invite à nous remémorer notre enfance et à nous demander : quelles sont les personnes qui nous ont aidés à croire ? Si trop peu de personnes se mobilisent pour conduire les enfants à Jésus, leur foi ne pourra pas grandir.
Témoignage
« À 12 ans, alors que je préparais ma profession de foi, j’ai eu le sentiment de ne pas être pris au sérieux. Je me suis dit alors : « Quand je serai adulte, je ferai attention, avec les jeunes que je rencontrerai, de partir de ce qu’ils sont et de ce qu’ils vivent. » Cette prise de conscience a joué un rôle important dans ma vocation de prêtre et d’éducateur.
Il peut y avoir un vrai désir de sainteté chez les adolescents, peut-être plus que chez les adultes, qu’il faut savoir prendre en compte. Quand ils se savent accompagnés, l’exigence ne leur fait pas peur, bien au contraire. » A.
Entretien extrait du numéro 340 d’Il est vivant! Pour recevoir ce magazine quatre fois par (29 euros), allez ici