Mgr Olivier Schmitthaeusler, vicaire apostolique de Phnom Penh, 42 ans, est le plus jeune évêque présent au synode. Il fait parti des 140 évêques qui participent pour la première fois à un Synode. Mgr Olivier Schmitthaeusler est missionnaire depuis 15 ans au Cambodge.
Quel regard portez-vous sur le synode au terme de ces trois semaines?
C’est la première fois que je participe à un synode comme jeune évêque ordonné depuis deux ans. C’est une expérience de collégialité, collégialité qui a été redécouverte au concile Vatican II et que j’avais étudiée au séminaire. Ce synode a été pour moi une grande ouverture sur l’Eglise universelle.
C’est aussi une expérience riche de découvrir les églises du Moyen-Orient qui ont eu une place importante au sein de ce Synode. Les évêques de Syrie, du Liban, d’Irak ont donné des témoignages très forts. Connaître leur regard sur la situation actuelle au Moyen-Orient était important.
Je perçois que l’esprit qui a traversé tout le Synode, c’est de renouveler le dynamisme missionnaire de l’Eglise, de lui redonner souffle pour qu’elle continue à évangéliser.
Qu’est-ce que les pères synodaux ont voulu transmettre à travers ce Synode?
Un souffle justement, et des signes d’espérance. Même si on est en situation de crise – mais les crises, l’Eglise en a traversé beaucoup-, l’espérance que le Christ nous a donné, elle est en nous ! Pour moi, le Synode lui-même a été évangélisateur. Ce sera un des grands fruits de cet événement pour tous ceux qui y ont participé : de s’être laissés évangéliser par cette rencontre et de repartir partager cette expérience, en devenant toujours plus évangélisateur.
Qu’avez-vous cherché vous-même à dire lors de votre intervention?
Qu’il faut revenir à l’expérience des premières communautés chrétiennes. Je le dis plus facilement que d’autres car au Cambodge, on vit cette expérience-là. L’expérience d’une Eglise qui se reconstruit, qui part de presque zéro, avec quelques chrétiens, qui vit la simplicité de l’Evangile, la Parole de Dieu annoncée dans un milieu pas spécialement favorable. Mais quand les Apôtres sont venus à Rome, l’Evangile n’a pas été accueilli d’une manière enthousiaste : ils ont vécu les persécutions.
En somme, il s’agit de prendre le Christ et les Apôtres comme modèle?
Exactement. Quand Jésus annonçait la Bonne nouvelle, toutes sortes de personnes venaient l’écouter. Ce n’étaient pas des gens qui étaient diplômés. Ils voulaient entendre un message d’espérance. Je pense que dans le monde d’aujourd’hui, on a un immense besoin de ce message. On manque de confiance dans l’homme, dans l’avenir. Les gens ont besoin d’entendre un message d’espérance.
Si on revient à l’essentiel de la Bonne nouvelle, on peut rejoindre tous les hommes.
Est-ce dû à la force même de l’Evangile?
L’Evangile a la capacité à renouveler la vie des hommes et des femmes qui le découvrent. Quand une personne a été bouleversée par l’Evangile, elle n’a de cesse de le transmettre à d’autres. Quand on lit l’Evangile, c’est une parole vivante : il rejoint ma vie personnelle à ce moment précis. Je peux 15 fois le même texte, il aura toujours cette capacité à me renouveler de l’intérieur.
Qui sont les premiers destinataires du message du synode qui sera publié dans les prochaines heures?
Il s’adresse en premier aux évangélisateurs. A tous ceux qui sont touchés par l’Eglise.
Avez-vous quelques regrets?
On a sans doute pas assez entendu la voix des laïcs engagés sur le terrain pour l’évangélisation et aussi la voix de jeunes lambda, baptisés, mais qui ne vont plus à l’église depuis des années.
Quel a été le rôle joué par Benoît XVI au cours de ces trois semaines?
Quand il était présent, cela créait une atmosphère différente. Sa présence unifie, pacifie. Son intervention, le premier jour, a été lumineuse. Il nous a rappelés l’essentiel: « Soyez témoins de votre foi, vivez la charité et allumez le feu sur la terre. »
Parlez-nous du contexte particulier de l’Eglise au Cambodge.
C’est un contexte de première annonce. Là où j’étais curé, il y a dix ans, il y avait un seul chrétien. Baptisé depuis 3 ans, il rassemblait autour de lui quelques jeunes pour lire l’Evangile du dimanche.
Dix ans après, de ce baptisé ont découlé 140 autres baptêmes. Et de cette paroisse, 5 nouvelles communautés sont nées. Juste avant de venir au Synode, j’ai fait une expérience intéressante. J’ai traduit le premier paragraphe du texte conciliaire « L’Apostolat des laïcs » à des jeunes en leur disant : « Vous êtes aussi apôtres, appelés à l’être. » Ils étaient bouleversés. Ils étaient persuadés jusqu’ici que la mission était réservée aux prêtres et aux religieux.
Comment cette expérience des jeunes églises a-t-elle enrichi le Synode?
Ce que j’espère, c’est qu’elle a redonné espérance et dynamisme aux églises plus anciennes où parfois il manque un chaînon dans la transmission de la foi. Ce chaînon, c’est peut-être justement de stimuler le chrétien « lambda » dans le témoignage de sa foi.
Que faire pour redynamiser l’Eglise de France?
Il se passe beaucoup de belles choses dans notre pays en termes d’évangélisation ! La difficulté est de ne pas se laisser enfermer dans les structures existantes, qui ne sont là que pour être au service de la mission de l’Eglise. Pour les évêques, il s’agit par exemple de dire aux prêtres : « De quoi tu as besoin ? » et non pas « Voilà de quoi j’ai besoin, moi. » Car si un prêtre est heureux là où il est, alors il peut déployer ses talents et il rayonne. Il attire les gens vers l’Eglise. Cela fait boule de neige. J’en suis convaincu, l’Evangile ne se propose pas par prosélytisme mais par contagion. C’est l’expérience que je fais tous les jours au Cambodge. Au retour des JMJ, les 32 jeunes cambodgiens y ayant participé étaient profondément heureux. C’est cela qui attire.
Il est essentiel aussi de retrouver un regard de foi, d’espérance et d’amour sur le monde. Si on accueille la vie comme un cadeau que l’on reçoit, et si on parvient à lire les signes de Dieu dans notre vie, on peut retrouver le feu de l’évangélisation.
Pour vous, quel est l’essentiel à retenir?
D’être une Eglise qui parle au cœur. C’est ce que faisait Jésus. Quand il y avait 5000 personnes devant lui, je suis sûr qu’à peu près la moitié ne devait pas bien entendre. Pourquoi restaient-ils alors ? Parce qu’il voyait en Jésus un homme qui les rejoignait profondément. Chaque personne a des désirs, des besoins intérieurs différents. Jésus rejoint chacun de nous là où nous en sommes. Si l’Eglise, à sa suite, sait répondre aux besoins des hommes d’aujourd’hui, elle remplira sa mission. Dans une intervention libre, j’ai évoqué la vie contemplative. Car pour moi, il est parlant de voir que c’est l’une des portes à laquelle vont frapper nos contemporains quand ils cherchent la paix, un sens à leur vie.