En cette veille de Noël, Il est vivant ! est heureux de vous offrir cette belle histoire d’amitié, née à l’hôpital, et qui a permis à un vieil homme de sortir peu à peu de la solitude.
« Il y a quelque temps, je me fais une entorse au genou. Ma femme m’accompagne aux urgences. Une fois sur place, je suis emmené en fauteuil roulant et l’on me dit qu’elle ne peut pas m’accompagner car que je vais être ausculté dans un box pour deux personnes. En entrant, je découvre mon collègue d’infortune. Il a le visage tuméfié, avec de nombreux points de suture. Aussitôt, je sens de façon très forte qu’il va se passer quelque chose. Je demande donc à l’Esprit Saint de m’aider à trouver les bons mots.
J’entame la conversation, je lui demande comment il s’est blessé. « Le mur n’a pas voulu reculer », m’explique-t-il, non sans humour. Il est là depuis la veille. Routier à la retraite, il vit dans un trou perdu. L’alcoolisme, comme compagnon, sans aucun doute. Je lui dis qu’il y a quelqu’un qui l’aime plus que tout. Que si Dieu l’a protégé jusqu’ici, ce n’est pas un hasard. J’évite de lui faire la morale. Il est seulement baptisé. « Dieu, cela ne me fait ni chaud ni froid », dit-il, mais cela ne le dérange pas non plus d’en parler.
Un médecin arrive et lui recommande de limiter sa consommation… « Je vais y réfléchir », répond-il. Il lui explique qu’il est bien seul dans son village et que selon lui, les 3/4 des autres habitants sont dans la même situation de détresse que lui.
Puis notre discussion reprend. Il a deux enfants qui ne viennent jamais le voir, est divorcé depuis 30 ans… « À cause de la route », me dit-il. Au bout d’un moment, je lui propose : « Je serais content de venir vous rendre visite de temps en temps. » Il me répond « Pourquoi pas, c’est toujours sympa de causer ! » Le courant passe. On m’emmène faire une radio. Je dis au médecin qui m’accompagne : « Quelle vacherie, cet alcoolisme. » Il me répond « on en a beaucoup, ici, si vous saviez… » Et je me pense en moi-même : « Mais que faisons-nous pour eux ? »
De retour dans le box, une autre idée me vient : il faut vraiment que je fasse quelque chose pour lui, passer des mots aux actes, tout de suite, concrètement. « Seigneur, aide-moi ! » Et l’occasion se présente un peu plus tard : c’est très compliqué pour lui de rentrer chez lui. Personne pour venir le chercher et s’il prend les transports en commun, il devra marcher encore au moins deux kilomètres… Il explique cela aux infirmières, très ennuyées à l’idée de le laisser repartir tout seul. Je comprends : c’est à moi de le raccompagner chez lui. Je lui propose. Il est enchanté. Une infirmière arrive. Il lui dit fièrement : « Ce monsieur me propose de me ramener chez moi. » J’essaye de garder un air détaché…
Nous reprenons notre conversation, je lui parle de mon travail, de notre super paroisse. Il ne lui reste plus qu’à voir l’assistante sociale. Elle finit par arriver –ma femme attend depuis deux heures…– et il lui annonce : « Il faut se dépêcher car ce monsieur me ramène. » L’assistance sociale me sert alors la main comme si j’avais fait œuvre de salut public !
Finalement, ravi d’avoir été raccompagné en 20 minutes et arrivé devant sa petite maison, il me donne une poignée de main pleine de reconnaissance en me regardant droit dans les yeux, et il me dit simplement « merci ». Je lui promets de revenir, il sait que je tiendrai parole, et il me laisse son numéro de téléphone mobile.
Depuis, je prie pour lui chaque jour et je lui rends visite tous les mois. Il habite un taudis à flanc de colline, suintant d’humidité, avec des champignons au mur… on se croirait à une autre époque, s’il n’y avait pas la télévision allumée. L’odeur du tabac, aussi. Mes vêtements s’en imprègnent, mais le pape n’a-t-il pas dit que les évangélisateurs doivent sentir l’odeur de leur brebis ?
La première fois que je suis allé le voir, il s’était bien habillé et peigné, mais il avait déjà un peu bu, en m’attendant. Je lui ai quand même proposé une promenade. Nous étions deux éclopés… mais c’est presque lui qui m’a soutenu !
Depuis, il fait un effort à chaque fois pour ne pas trop boire et bien se tenir. À Noël dernier, nous l’avons invités à la maison – déjeuner sans alcool – il était très heureux et nous a donné deux billets pour participer aux cadeaux des enfants. Cela nous a beaucoup touchés, j’ai pensé à la vieille femme de l’Évangile qui donne le peu qu’elle a. C’est tout à fait Louis : il me donne un peu de temps, son amitié, et, souvent, un peu d’humour malgré tout. Finalement, c’est ce qu’il peut encore offrir. »
Témoignage d’un anonyme engagé à Aimer et servir*, mission qui consiste à « recevoir » de la part du Seigneur une personne pour qui prier chaque jour et lui rendre visite une fois par mois.
* Pour en savoir plus : www.aimeretservir.org
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