Alors qu’Isabelle est enceinte, on lui annonce que le bébé est porteur d’une trisomie 18. Il ne pourra pas vivre longtemps. Avec son mari, ils décident de mener la grossesse à terme. C’est le début d’une bouleversante aventure.
Il y a douze ans, un drame est venu bousculer ma vie pour toujours : la naissance et le décès de mon petit Emmanuel, notre cinquième enfant, un certain 18 février. Cette douleur qui prend aux tripes (même mon corps me faisait mal…) m’a semblé insurmontable les premiers temps et ne jamais pouvoir diminuer. Quand s’apaisera-t-elle, cette violence qui me noue le cœur ? Quand cesseront-elles, ces larmes qui brouillent mon regard sur la vie ? Quand pourrai-je enfin apprivoiser une absence si difficile pour mes bras vides ? Car ce n’était pas un « petit ange » que nous avions au ciel, mais bien un enfant que j’avais perdu avec son élan de vie, et l’avenir que nous avions dessiné avec lui. Dans un monde qui semble assez indifférent au deuil périnatal, j’ai eu l’immense chance de rencontrer quelques personnes qui ont su écouter ce chagrin, recueillir ma complainte maternelle et m’apporter la chaleur de leur soutien. Ainsi, peu à peu, j’ai pu épuiser auprès d’eux la charge émotionnelle de ce chagrin qui avait envahi mon cœur, mes pensées, toute ma vie pour me retrouver un jour en paix sur un autre chemin à construire. Ce parcours a été long, un peu chaotique et parfois décourageant : c’est quand je croyais en être sortie que brutalement une fête, un anniversaire, un événement anodin pour les autres (comme la première rentrée scolaire qu’il aurait dû faire…) me faisaient réaliser une fois encore l’absence d’Emmanuel et ramenait à la surface de ma vie son flot d’émotions et de larmes.
LE BONHEUR DE L’AVOIR CONNU
Son absence a pesé longtemps dans mon quotidien de maman, mais aujourd’hui je peux témoigner du bonheur de l’avoir connu, de l’avoir aimé aussi intensément et accompagné dans sa bouleversante destinée. Ayant été au bout de mon chemin de deuil, j’ose même dire que sa vie n’a été qu’un chant d’amour pour transformer la mienne en chemin d’espérance et m’ouvrir à d’autres horizons… Aucune vie n’est inutile, encore moins celle d’un tout-petit qui pèse dans nos vies de parents de tout son poids d’amour à donner et à transmettre autour de nous !
L’ESPERANCE
Après une telle épreuve qui peut révolter parfois mais enracine aussi dans l’essentiel, c’est l’espérance qui me tire, telle une grande sœur, et anime aujourd’hui mon action ! Espérance intime et toute intérieure de le savoir présent dans le cœur de ceux qui l’ont connu et aimé… Mais aussi espérance d’imaginer se retrouver tous… puisque j’irai un jour là où il est déjà ! Espérance de faire grandir l’approche palliative pour ces tout-petits dont la vie est déjà comptée, pour mettre du sens dans leur temps à vivre, en lien avec leurs parents. Espérance de participer à un monde où les parents seraient mieux entourés dans ces situations et reconnus dans leurs besoins, afin de pouvoir vivre pleinement ces temps d’accompagnement et de deuil. Espérance de voir se construire des réseaux de soutien et d’attention. Mais aussi espérance de faire reconnaître ce deuil dans ses particularités et ses difficultés puisque « moins aura vécu le défunt, plus sa vie sera restée en puissance, plus dur sera le deuil » (Aristote). C’est là la seule perspective qui pourra apporter du baume au cœur des parents confrontés à cette épreuve, et les aider à la surmonter.
Propos recueillis par Laurence Meurville
Cet article est paru dans L’1visible (novembre 2014) dans la rubrique Une vie qui bascule, page en partenariat avec Il est vivant!
UN ENFANT POUR L’ÉTERNITÉ
Isabelle de Mézerac
Éditions du Rocher
2004
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