La chronique du père Cédric Burgun (3): une révolution, ce synode? Oui, mais pas celle que l’on croit!

CedrciBurgun
Cédric Burgun, du diocèse de Metz, est prêtre de la Communauté de l’Emmanuel. Enseignant à l’Institut catholique de Paris en droit canonique, le père Burgun est également juge ecclésiastique.
On dira ce que l’on veut, ce synode est une révolution ! Mais pas la révolution que l’on croit, et pas la révolution qu’on voudrait nous faire croire. Sans occulter la question des divorcés remariés, la Relatio post disceptationem (Rpd), le document bilan à mi-chemin du synode qui vient d’être publié, montre combien les pères synodaux ont fait preuve de courage pour demander d’abord à l’Église ad intra une véritable conversion ! Car la première des conclusions du synode se situe là : nous, les catholiques, sommes très loin des enjeux et des défis de la pastorale familiale : là est la première des vérités qu’il nous faut voir et entendre.
Le but du synode est clairement détaillé : il s’agit d’écouter le monde « pour regarder la réalité de la famille aujourd’hui, dans la complexité de ses lumières et de ses ombres ; le regard fixé sur le Christ pour repenser, avec fraîcheur renouvelée et enthousiasme ce que la révélation transmise dans la foi de l’Église, nous dit sur la beauté et la dignité de la famille ; la confrontation à la lumière du Seigneur Jésus pour discerner les voies grâce auxquelles renouveler l’Église et la société dans leur engagement en faveur de la famille. » (Rpd, n°4).
Ce sont bel et bien les difficultés d’aujourd’hui que nous devons « contempler » si nous ne voulons pas vivre comme des « bobos-cathos » enfermés dans leur bulle (l’expression est de moi, bien sûr, et non pas du synode !). Le monde actuel valorise constamment une affectivité sans limites, une recherche du plaisir et de l’hédonisme sans contrôle ni discernement. Cette fragilité-là doit interroger nos pratiques pastorales si nous ne voulons pas uniquement tomber dans l’enseignement d’une théorie désincarnée. Le synode fait en effet ce constat douloureux : les jeunes couples, aujourd’hui, tombent facilement dans « une affectivité narcissique, instable et changeante qui (ne les) aide pas toujours à atteindre une plus grande maturité. Dans ce contexte, les couples sont parfois incertains, hésitants et ont du mal à trouver des manières pour grandir. Nombreux sont ceux qui tendent à demeurer aux premiers stades de la vie émotionnelle et sexuelle » (Rpd, n°10).
Et dans ce contexte, le synode invite largement, et non seulement sur la question des divorcés remariés, à ne pas « envisager des solutions uniques ou s’inspirant de la logique du “tout ou rien” (qui ne serait pas) signe de sagesse. » (Rpd, n°40). Oui, « la crise du couple déstabilise la famille et peut arriver, au travers des séparations et des divorces, à produire des conséquences sérieuses sur les adultes, les enfants et la société, affaiblissant l’individu et les liens sociaux. Le déclin de la population ne détermine pas seulement une situation dans laquelle le remplacement des générations n’est plus assuré, mais risque de conduire, avec le temps, à un appauvrissement économique et à une perte d’espérance dans l’avenir. » (Rpd, n°10).
Les conséquences, pour les pères synodaux, sont donc très claires ; conséquences qu’ils osent affirmer dans de nombreux rapports : nos pastorales familiales sont loin d’écouter et d’être conscientes de ces défis. Les programmes sont bien souvent trop théoriques, au risque de tomber dans l’intellectualisme primaire : « C’est pourquoi une conversion missionnaire est requise : il ne faut pas se limiter à une annonce purement théorique et détachée des problèmes réels des personnes » (Rpd, n°28). Il nous faut former bien plus et bien mieux les fiancés ou encore les jeunes générations qui affrontent le monde avec une affectivité et une éducation à la sexualité loin de la maturité nécessaire ; il faut davantage former les prêtres sur les questions matrimoniales ainsi que les fidèles à la vie chrétienne du mariage lui-même.
C’est pourquoi le synode appelle une nouvelle pastorale, une urgente conversion interne : « D’un commun accord, il a été rappelé que, dans la perspective familiale, une conversion de la pratique pastorale dans son ensemble est nécessaire pour dépasser les optiques individualistes qui la caractérisent encore » (n°32). Ce sont bel et bien nos pratiques pastorales qui, empreintes de l’individualisme ambiant, favorise encore une vision du mariage trop restreinte et éloignée de la vérité !
Pour le synode, aujourd’hui, l’annonce de l’Évangile de la famille constitue l’urgence pour la nouvelle évangélisation ! « L’Église doit la réaliser avec la tendresse d’une mère et la clarté d’une maîtresse (cf. Ep 4,15), dans la fidélité à la kénose miséricordieuse du Christ. La vérité s’incarne dans la fragilité humaine non pas pour la condamner, mais pour la guérir. » (n°25). Saurons-nous y répondre ? Là est la première des questions que le synode pose à l’Église. Père Cédric BURGUN
 

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