Dramaturge à la ville, Séverine-Arneld est la femme de Jean-Baptiste, infirme moteur cérébral, psychosociologue et consultant. Avec Un hurluberlu dégingandé et une demi-portion, elle offre un effet de loupe vivifiant et salvateur sur nos relations humaines.
Propos recueillis par Marie Blétry
Épouser un homme qui a un handicap physique, cela change une vie ?
Cela affine le regard, la manière d’appréhender l’existence. Les priorités sont centrées sur l’attention mutuelle, l’entraide, sur l’importance de laisser sa place à l’autre. Le handicap oblige à se connaître. Les illusions s’évanouissent en fumée. Dans ce livre, j’avais envie de formuler mes réflexions selon ce regard tout particulier : celui d’une femme qui aime un homme handicapé. Il me semblait que cela pouvait éclairer certains points du mariage et révéler un aspect méconnu du handicap.
Comment votre histoire d’amour a-t-elle commencé ?
Nous nous sommes rencontrés à l’anniversaire d’une amie. À l’avant de la voiture qui venait me chercher, je vois un superbe jeune homme très élégant. J’ai pensé : « Encore un de ces types à qui tout réussit et à qui je n’aurai rien à dire ! » Et puis j’ai entendu la voix de Jean-Baptiste et mon préjugé s’est totalement inversé. Nous nous sommes compris très vite. Trois mois plus tard, nous décidions de nous marier. Avant cela, dans une chapelle de la cathédrale de Strasbourg, j’avais entendu le Seigneur me demander « Jean-Baptiste, c’est oui ou c’est non ? ». J’ai répondu oui, oui à tout, au point que je ne savais pas encore s’il s’agissait d’amour ou d’amitié spirituelle. Je savais juste que c’était très fort.
Votre mari, un héros ?
J’ai bien envie de m’écrier : « Oui ! » Parce que je l’ai vu encaisser tant de coups, d’incompréhensions, d’injustices criantes, d’humiliations, et tenir bon malgré tout. Ce ne peut être un héros qu’au sens de Saint Paul : « C’est quand je suis faible que je suis fort ». Un héros qui reçoit sa force du Christ, en le laissant agir à travers ses talents et ses fragilités.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui ont des réticences à entrer en relation avec une personne handicapée ?
Handicap ou pas, c’est toujours avant tout une relation humaine. Dans n’importe quelle relation, il est plus simple d’avoir un vecteur, des affinités. Ces choses-là sont mystérieuses. Je peux m’efforcer de respecter et d’aimer tous mes frères au sens large, respecter leur vieillesse, être attentive aux égards que demande leur handicap ou leur état, ça ne signifie pas que je serai amie avec tout le monde !
« Moi, je n’aurais pas pu. » « Quel courage ! » Ces phrases vous disent-elles quelque chose ?
Moi non plus, je ne sais pas si j’aurais pu épouser un autre homme et être heureuse ! Je ne vois aucun courage là-dedans, c’est une histoire d’amour avec un joli mariage en robe blanche et deux beaux enfants. Rencontrer Jean-Baptiste est la plus belle chose qui me soit jamais arrivée, ça correspondait à mon désir profond. On croirait la morale d’un conte de fées ! La Bête était en réalité un Prince Charmant… Il sera content, Jean-Baptiste, quand il va lire ça !
Un hurluberlu dégingandé et une demi-portion – Lettre ouverte (mais pas trop) sur le handicap, Editions de l’Emmanuel, 160 pages, 14€
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